Il me semble intéressant d’évoquer la question de confiance sur les projets à base de blockchain.
Mes pérégrinations sur les forums, actualités, Reddit et autres slacks du monde des crypto monnaies m’ont permis d’analyser les forces en présence, les points d’accrochage et les enjeux tournant autour de la confiance que nous pouvons avoir par rapport aux différents projets en cours de développement.
Et le moins que l’on puisse dire c’est que certains débats cristallisent l’ensemble des points sur lesquels les différentes communautés s’affrontent :
- Bitcoin maximalist / altcoinist (Partie 1)
- Crypto monnaie / Start-ups blockchain (Partie 2)
Je vais essayer dans cet article en deux parties d’être objectif quant aux intentions, aux clivages qui peuvent mener à des tensions importantes entre les différentes communautés et les différents protagonistes de ces échanges.
- Bitcoinist maximalist VS altcoinist
Tout d’abord afin de vous présenter le décor voici deux définitions simplifiées qu’il est bon de connaître avant de plonger dans la lecture de cet article :
Définitions :
Bitcoinist : Personne pensant que seul le bitcoin est digne de confiance. Tous les autres altcoins sont des shitcoins sans avenir, juste présents pour faire des pump et des dumps afin de faire gagner de l’argent aux crypto-spéculateurs.
Altcoinist : Personne pensant que certains altcoins sont des projets sérieux qui vont arriver à mener leur projet à terme et atteindre l’adoption par les utilisateurs. Généralement les altcoinists sont plus à même d’être critiques envers le bitcoin.
Le premier exemple est l’affrontement classique entre les bitcoins maximalists et les altcoinists. J’inclus ce sujet dans la notion de confiance, car celle-ci est évidemment présente de façon permanente dans les projections que chacun peut avoir concernant ses projets préférés et donc bien sûr de façon sous-jacente la prospective que nous avons tous de la capacité disruptive de la blockchain, de ses applications futures et donc de la société économique, sociétale et politique telle que nous pouvons nous l’imaginer. Car c’est bien d’un imaginaire dont nous parlons. Il y a peu de technologies dont la capacité de disruption peut impacter autant de secteurs économiques incluant aussi l’ensemble du secteur financier. C’est une révolution et comme tout mouvement de cette ampleur, l’imprévisibilité du lendemain, des changements possibles et des systèmes de résilience qui vont se mettre en place, permet à chacun de se construire son propre imaginaire et donc ses propres stratégies d’investissement basées sur ses propres croyances, fruit de son histoire et de son analyse construite au gré des lectures et des conversations.
Pour commencer, je ne dirais pas que les altcoinists sont maximalistes parce que bien souvent la réciproque n’existe pas en faveur d’un quelconque bitcoin bashing bien qu’elle puisse émerger de temps en temps pour les plus virulents d’entre eux. D’où vient donc cette haine des altcoins, j’ai bien ma petite idée, je vais donc vous faire part de mes quelques sentiments personnels à ce sujet.
Bien souvent, les bitcoinists sont arrivés après les premiers. Certains ont vu la phase de création par myriades des altcoins quand celle-ci était à son apogée. Pour la plupart, ils ont gagné de l’argent par le passé, soit par la montée en valeur du bitcoin, soit sur le dos (mais c’est le jeu) des altcoins qui ont pour la majorité tous disparu dans le cimetière des altcoins. Tout ceci bien sûr, en voyant se renforcer lentement, et non sans difficulté, leur bitcoin favori. Et voici qu’arrive une deuxième vague de personnes s’intéressant aux crypto monnaies. Ces nouveaux arrivants ne perçoivent pas le bitcoin comme ceux de la première vague, déjà parce que leur nouveau regard leur confère un spectre d’analyse différent et puis aussi parce que l’espérance de plus de rentabilité des altcoins oriente clairement leurs analyses en faveur des nouveaux arrivants !
La position des bitcoinists maximalists est compréhensible et il est possible que si nous étions arrivés à cette époque-là, nous aurions les mêmes raisonnements, voir les mêmes travers. De la même façon que si certains d’entre eux étaient arrivés maintenant, le raisonnement pourrait ressembler à celui des altcoinists d’aujourd’hui.
Le bitcoin est donc un sujet qui sera bientôt érigé en religion tellement les passions qui l’entourent semblent déraisonnables. Si nous analysons les faits froidement, tout un chacun peut se poser des questions sur la pérennité à long terme de celui-ci mais au même titre que beaucoup d’altcoins. Le temps de transfert, la centralisation de plus en plus importante et la gouvernance plutôt chaotique deviennent de plus en plus handicapants. A un point qu’il serait presque bien que le développement des crypto monnaies ne soit pas trop rapide par crainte que le bitcoin n’ait pas fait sa mue avant, et ne fasse l’éclat aux yeux de tous de ses carences actuelles.
C’est pourquoi on observe une attitude qui conjure parfois au déni intellectuel. Voici quelques exemples pris ici et là :
- Le bitcoin répondra à tous les problèmes dans le monde (excepté l’anonymat peut-être et encore…)
- Il est parfait car le créateur l’a fait parfait (du moins entre les lignes)
- La centralisation n’est pas un problème
- Le POS ne sera jamais aussi sécuritaire que le POW
- Un bitcoin vaudra 1 million de dollars
Tout n’est peut-être pas faux et il est possible que le bitcoin soit encore là très longtemps et que ses applications se diversifient mais nous ne sommes bien souvent plus sur un plan intellectuel et objectif mais plutôt sur un plan spirituel avec la notion de foi qui égare les capacités cognitives des nouveaux évangélistes.
Pour les altcoinists purs et durs c’est la même chose mais avec une foi dans les gains escomptés qui vient parfois paralyser leur sens du réel. Les bitcoinists ont donc raison de dire que 95% des altcoins vont mourir et que pour beaucoup seul le pump et le dump vont venir parsemer leur chemin et leur histoire au profit bien souvent des gros joueurs ou des plus expérimentés. L’expérience acquise depuis plusieurs années leur confère une légitimité évidente et qu’il est bon de savoir écouter et ainsi appréhender afin de gagner du temps dans l’exploration et la découverte de cet univers impitoyable.
Cela dit dans les 1% ou 5% restants, cela fait quand même entre 9 et 47 projets (sur une moyenne de 950 altcoins) qui devraient arriver au bout de leur périple vers une reconnaissance plus importante et peut être vers une adoption de masse. J’inclus ici les crypto monnaies (seulement à vocation monétaire) et les start-ups à blockchain publique. Du déchet, il y en aura c’est sûr mais de beaux projets sont aussi en construction dans cet espace-temps, quoiqu’en disent les bitcoinists maximalists. Rendez-vous dans quelques années pour constater les écueils et les réussites.
Il faut donc que les altcoinist se nourrissent des expériences passées, tout en n’altérant pas leur regard, qui par sa différence de spectre peut permettre de performer dans l’analyse des opportunités et plus globalement de ce marché en expansion. La jeunesse est autant un atout qu’un défaut, comme disait Cécile Fée « Si la vieillesse a pour elle l’expérience, la jeunesse a mieux encore, elle a l’espérance ».
C’est pourquoi je pense que, comme bien souvent, la réalité se trouve entre les deux mondes. Non, le bitcoin n’est pas mort et va certainement en surprendre plus d’un et un certain nombre d’altcoins vont s’imposer dans le paysage et peut-être prendre un peu la place de bitcoin pour certains usages et lui laisser la place pour d’autres. Il n’y a aucune certitude aujourd’hui. Mon avis, que j’expose plus haut, n’a pas valeur de prédiction plus certaine que les autres et c’est bien là tout le charme de cette période enchantée.
Les crypto monnaies et plus globalement l’univers de la blockchain est un nouveau monde fait d’espérance, de croyances et de nouveaux conquistadors prêts à évangéliser ou écraser son prochain afin de faire valoir la pensée dominante de son empire. Une guerre des mots et des arguments, bien heureusement, mais qui génère parfois quelques tensions et surtout des instants où la parole n’a plus de place face au décalage conséquent qui peut y avoir entre les différents protagonistes.
Il est donc bon parfois, pour les uns et pour les autres, de prendre un peu de recul sur la situation afin de faire preuve de plus d’ouverture et d’écoute dans les argumentaires sur des positions qui finalement n’ont rien de dramatique par rapport à la passion et à la dévotion que certains veulent bien y vouer.