Les notions de gouvernance sont très intéressantes dans les projets de blockchain.
Pour commencer, je vais aborder les projets monétaires et dans un prochain article les projets orientés vers d’autres secteurs économiques.
2.1 Projet à Gouvernance communautaire non structurée
Actuellement, bon nombre de problèmes que rencontre le Bitcoin sont dus à des questions de gouvernance. Les problèmes de scalabilité, d’orientation stratégique, sont bien plus compliqués à mettre en œuvre dans un système de consensus implicite où les mineurs sont rois… Les intérêts des développeurs, des utilisateurs, des premiers acquéreurs ou des mineurs peuvent être contradictoires. Face aux problèmes d’évolutivité du Bitcoin et de choix stratégique, deux solutions sont proposées, une conduisant à un soft fork, l’autre à un hard fork et donc potentiellement à une scission du projet et de la communauté. Quand on connait la valeur historique du Bitcoin, autant pour lui-même que pour l’ensemble des crypto monnaies, on imagine le cataclysme que cela pourrait engendrer.
Il existe d’autres modèles communautaires sans réelle gouvernance, celui approchant le plus de Bitcoin est Monero qui fonctionne d’une manière fortement similaire avec potentiellement les mêmes risques associés. Le développement se fait actuellement selon des principes de donation et de crowdfunding via le forum Monero. Il n’est cependant, encore une fois, pas impossible que le projet évolue dans le temps sur les questions de gouvernance.
Blackcoin est un projet similaire, sans ICO et sans premine, avec un développement communautaire très fort comme Monero. Certains projets ont été auto financés, d’autres basés sur un système de crowdsourcing. A ses débuts Blackcoin avait une fondation pour gérer le financement des projets provenant de la communauté grâce à l’utilisation du forum Subreddit. Au fur et à mesure de l’évolution, la fondation n’a plus joué de rôle, laissant cours aux initiatives personnelles et communautaires. Pour l’évolution future de la gouvernance, voici ce qu’en pensent les développeurs de Blackcoin : « Nous élaborerons un prototype de modèle de crowfunding DAO pour soutenir les travaux en cours. À long terme, c’est peut-être le remplacement le plus optimal de l’approche plus informelle et plus ponctuelle du crowdfunding du passé. Lorsque la sécurité sera arrivée à maturité dans le domaine de DAO / smartcontract, c’est l’itinéraire le plus probable. Cela n’exclut pas les approches indépendantes actuellement adoptées par les divers groupes de développeurs, mais elles coexisteront et interagiront probablement avec eux ».
Il est donc important de noter aussi la capacité d’inflexion du modèle de gouvernance. Même dans les projets purement communautaires et si l’algorithme initial peut sembler bloquant au premier abord, les zones de liberté sont présentes à condition d’avoir une communauté capable de faire émerger un consensus majoritaire.
Liste de projets : Bitcoin, Litecoin, Blackcoin, Navcoin, Pascalcoin et Pascal lite, Zclassic, Spreadcoin, Dogecoin
2.2 Gouvernance structurée par la blockchain
Un exemple de gouvernance très intéressant est celui mis en place par les créateurs de DASH. Il est aussi une des raisons pour lesquelles il est très contreversé dans la communauté des crypto monnaies.
Le système de gouvernance est basé sur 2 points essentiels, les masternodes et la part de 10% des récompenses des mineurs qui est réservée au système de financement du développement.
Le fonctionnement de DASH est donc constitué d’une gouvernance décentralisée et d’un financement autonome par la blockchain. Les mineurs reçoivent 45% des récompenses de bloc, les masternodes 45% et le financement du développement les 10% restants. Ces 10% contribuent au financement des projets proposés et approuvés (ou pas) par les masternodes. Le pouvoir est donc réparti entre les mineurs et les masternodes ce qui crée un équilibre intéressant dans la stratégie de la crypto monnaie. Seuls les utilisateurs manquent à l’appel dans cette gouvernance.
https://dashpay.atlassian.net/wiki/pages/viewpage.action?pageId=8585240
Ce système est donc unique dans le mouvement des crypto monnaies. Il permet un financement durable grâce à la part de récompense consacrée au développement, la gouvernance étant assurée par les masternodes au moyen d’un système de vote décentralisé. Les masternodes jouent également un rôle important dans la scalabilité du réseau afin de permettre des transactions rapides et anonymes. C’est d’ailleurs un des points d’achoppement avec la communauté. Les masternodes constituent des tiers de confiance d’un nouveau genre, mais qui sont indispensables à la mise à l’échelle du réseau. Cette gouvernance a d’ailleurs depuis essaimé puisque le projet PIVX suit les traces de son ainé, mais dans une version Proof of Stake.
Un projet qui mérite un coup de projecteur particulier est DECRED. Leur volonté de construire un projet de crypto monnaie sur le long terme est remarquable. Sur le plan technique, les masternodes sont évités notamment grâce à la solidité assurée par le système de POS/POW. Ensuite, un système de rémunération de 10 % des rewards de la blockchain est mis en place. Les votes de la communauté orientent les fonds vers des domaines prioritaires qui seront gérés et alloués par une structure juridique spécifique (decred holding group). Cette structure publie tous les 6 mois un état des lieux budgétaire afin de vérifier la conformité de l’utilisation des fonds. Tout ce système est assis sur la « DECRED constitution » qui régit le socle de valeur de la gouvernance et du développement du projet DECRED. (plus d’informations ici : https://docs.decred.org)
DECRED fait donc aujourd’hui partie des projets qui ont le plus pensé la longévité et la pérennité de l’écosystème crée par une crypto monnaie.
Les masternodes sont à la fois des outils, surtout pour les monnaies POS, de scalabilité et d’anonymat, mais ils peuvent aussi permettre d’implanter un système de vote et de gouvernance, ce qui peut cependant déjà se faire sur du POS classique. Malgré tout pour certains projets, les masternodes sont uniquement pensés pour améliorer l’évolutivité et la sécurité, mais les développeurs ne souhaitent pas implémenter une gouvernance communautaire. Ce n’est pas tant une critique qu’un simple constat.
A l’heure actuelle, d’autres projets essayent de suivre cette voie, avec des états d’avancement qui diffèrent.
Parmi eux on peut citer : Pivx, Zencash, Cloakcoin, Neoscoin, Monetary unit, Renos
2.3 gouvernance entrepreneuriale
Pour finir, il est important de parler des projets qui ont une gouvernance structurée par la blockchain et la mise en œuvre d’une taxe des fondateurs et des développeurs tous les mois.
Dans ces exemples, on peut bien entendu citer Zcash. Le fonctionnement de Zcash est particulier puisque Zcash est structuré comme une entreprise avec des investisseurs qui ont investi avant le lancement dans l’entreprise Zcash. Zcash a donc une existence juridique comme entreprise, et les rewards de la blockchain sont distribués aux fondateurs, investisseurs et employés (plus d’information ici : https://z.cash/blog/funding.html et ici : https://z.cash/blog/continued-funding-and-transparency.htmHYPERLINK « https://z.cash/blog/continued-funding-and-transparency.html »l). Ces rewards vont être distribués pendant les 4 premières années à hauteur de 80 % pour les mineurs et 20 % pour les fondateurs. À terme, cela représente 2,1 millions de Zcash soit 10 % de l’émission totale de Zcash. Après le premier halving, il n’y aura plus de rewards pour les fondateurs et 100 % du minage ira aux mineurs.
Le fonctionnement des rewards de la blockchain pour le Zcoin est le même que Zcash. 10 % de l’émission totale (soit 20 % par an pendant 4 ans) ira aux fondateurs, aux développeurs et contribuera aux coûts liés au marketing , à la communication et plus globalement au développement de projet.
Ces deux projets ont donc un fonctionnement identique, mais sur deux technologies différentes. Cependant sur le long terme, l’implantation de masternode dans le projet Zcoin et la volonté d’implanter un système de vote sur la blockchain laissent penser que leur objectif final et notamment le modèle économique postérieur aux 4 premières années, et l’inclusion de la communauté sur le long terme les différenciera sur le long terme du moins dans la gouvernance et le modèle économique.
Ce panorama des différents modèles permet de voir que nous sommes encore dans une phase d’expérimentation à la fois sur le plan technologique, puisque les masternodes étaient avant tout une question de scalabilité, mais aussi en matière de gouvernance et de modèle économique.
On se retrouve donc actuellement avec 5 typologies de financement pour les projets monétaires :
Pour cela il est important de noter la réflexion apportée par les créateurs de ZEN, le fork de Zclassic :
« Zclassic est un projet entièrement financé par la communauté qui s’appuie sur des dons indépendants. Il n’y a pas eu d’ICO, de pré-mine ou de taxe du fondateur. Les leçons tirées de ce style de lancement ont montré que le manque de financement entrave de manière significative la croissance, car tous les fonds requis pour les listes d’échange, le développement, l’hébergement de serveurs et les primes de cotisants doivent être auto-financés.
Zen prend ces leçons apprises et les associe à un modèle de gouvernance de style DAO basé sur la preuve de partage. Dans le réseau Zen, 8,50% des tokens sont affectés au développement communautaire, au marketing, à la maintenance et au DAO. Cela garantit qu’il existe toujours suffisamment de ressources disponibles pour la croissance. »
Ces projets monétaires basés sur des rewards de la blockchain sont par ailleurs ceux qui arrivent à constituer une force marketing et un développement continu particulièrement fort grâce à ce système de financement, preuve de l’intérêt de cet auto financement par la blockchain. Malgré toutes les contestations, force est de reconnaître l’ingéniosité de ce système au moment où la mise en place de DAO formalisée dans la blockchain est encore fragile d’un point de vue technique et sécuritaire. La publication de notre interview où la proposition d’un développement basé sur un système prenant en compte les acquis du système Dash, a été un élément déclencheur du schisme dans la communauté Zclassic. En effet, il y a eu d’un côté les partisans d’une gouvernance communautaire pure (Zclassic) et de l’autre côté les partisans d’un modèle économique et d’une gouvernance structurée (ZEN). Vous pouvez retrouver notre interview ici : https://crypto-lowcap.com/exclusive-interview-zclassic/
Preuve s’il en est que des courants différents traversent aujourd’hui la communauté des crypto monnaies dans le monde.
Je pense pour ma part que la technologie a été énormément mise en avant au détriment souvent de la gouvernance et des modèles économiques. Reflets aussi du modèle anarchique libéral à l’origine du Bitcoin. C’est aussi une des raisons pour laquelle DASH continu à être tant décrié.
Malgré tout, depuis quelques mois, on assiste à une lente évolution dans le sens d’une acceptation plus générale d’autres modèles sur le marché des crypto monnaies. Les difficultés que traversent d’ailleurs le Bitcoin aujourd’hui sont symptomatiques de ces enjeux et favorisent la naissance d’un climat plus accueillant pour les crypto monnaies basées sur des modèles économiques différents, mais surtout pour des gouvernances structurées où le pouvoir des parties prenantes serait plus équilibré et moins à l’avantage d’une congrégation de mineurs qui ont aujourd’hui plus de capacité de blocage que la CGT et FO réunies !
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